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Le prix de la neutralité politique

Les activités politiques représentent un sujet de conversation délicat au sein de notre syndicat. Même en étant membres d?un syndicat et en sachant qu?il est important de soutenir les politiques favorables aux travailleurs, nous nous considérons aussi comme étant des professionnels. Selon nous, nous devrions être en mesure de ne pas nous embourber, de faire le travail et le reste s?arrangera. Je vous écris pour vous informer que malheureusement, ceci n?est plus le cas.

Les origines de notre syndicat se trouvent dans la fonction publique fédérale; il existe de bonnes raisons pour tout syndicat de fonctionnaires de demeurer neutre sur le plan politique. La raison la plus évidente? Peu importe qui se trouve au pouvoir, il faudra développer des relations de travail professionnelles productives et professionnelles avec l?employeur. Mieux vaut demeurer apolitique en période électorale pour y réussir. Cela explique pourquoi nous n?avons pas eu l?habitude de soutenir ou de dénoncer publiquement un parti politique. Nous préférons une approche plus pragmatique, notamment celle de travailler avec le gouvernement au pouvoir (dans la mesure du possible). Bien que cela soit logique, ce n?est plus suffisant.

En toute franchise, notre gouvernement conservateur actuel est le gouvernement le plus antisyndical que le Canada ait vu depuis des dizaines et des dizaines d?années et il ne donne pas de signe de s?arrêter. Vous doutez? Examinons ses antécédents en ce qui a trait aux conflits de travail ou à la négociation collective au Canada. En juin 2011, les conservateurs ont menacé les agents de billetterie d?Air Canada par des lois de retour au travail seulement quelques jours après le début de leur grève. Ils ont déclaré que la reprise économique était tellement fragile, que le pays ne pouvait se taper une grève des 3800 agents de billetterie. Évidemment, il n?y avait pas la moindre preuve que cela était le cas, donc pourquoi un retour au travail si rapide?

Voici un autre exemple. Afin de régler le lock-out orchestré par leurs amis à Postes Canada, la ministre du Travail Lisa Raitt a nommé l?arbitre Guy Dufort pour présider le groupe d?arbitrage. Le seul problème était que M. Dufort avait des liens très serrés avec le Parti conservateur. Ses liens sont si profondément enracinés, que même la Cour fédérale du Canada a déterminé que sa nomination causait une « crainte raisonnable de partialité ». Heureusement, la Cour fédérale du Canada comprend les principes d?équité procédurale même si le gouvernement fédéral ne les comprend pas...

Nos membres qui travaillent au gouvernement fédéral sont au courant de cette approche du gouvernement actuel aux négociations collectives dans la fonction publique, donc je ne m?attarderai pas sur le sujet. Mais puisqu?il a déjà réussi à détruire les relations de travail patronales-syndicales dans la fonction publique, il veut maintenant aller plus loin et faire la microgestion de la négociation collective à Radio-Canada en nommant un représentant du Conseil du Trésor pour participer aux négociations collectives. J?ai participé à des négociations avec le Conseil du Trésor. Je sais pertinemment comme il est difficile de parvenir à une entente sur les enjeux les plus simples! Il est difficile d?imaginer que sa contribution aux négociations avec Radio-Canada soit productive.

Non satisfait de la microgestion des relations industrielles au Canada, le gouvernement cible maintenant les seules organisations légalement autorisées à représenter un groupe de travailleurs : les syndicats. Son premier coup était le projet de loi C-377 qui aurait forcé tous les syndicats, peu importe leur compétence, de divulguer publiquement leurs renseignements financiers au grand public (= employeurs). Mais des associations professionnelles comme les barreaux, les associations médicales, les associations professionnelles d?ingénieurs et d?autres organisations dont les cotisations sont aussi déductibles d?impôts étaient exemptes de l?application du projet de loi C-377. En fin de compte, le projet de loi C-377 était tellement mal conçu que le Sénat, dominé par les conservateurs, a refusé de l?adopter tel quel et l?a renvoyé à la Chambre des communes avec plusieurs modifications.

Plus récemment, le gouvernement a présenté d?autres mesures législatives antisyndicales (encore une fois par un projet de loi d?initiative parlementaire). S?il est adopté, le projet de loi C-525 rendra encore plus difficiles l?accréditation des syndicats et la tâche de permettre aux travailleurs de s?associer dans les milieux de travail de la fonction publique fédérale. En outre, il rendra la tâche plus facile de révoquer les accréditations syndicales actuelles pour une petite minorité d?employés. Le projet de loi juge qu?un vote d?absent est un vote contre l?accréditation syndicale. Donc en vertu de ce projet de loi, l?indifférence à elle seule peut entraîner la perte de vos droits à la négociation collective, ainsi que la perte de votre convention collective.

Il faudrait sûrement s?attendre à ce qu?une attaque de la « formule Rand » (ou précompte syndical généralisé) ait lieu sous peu (probablement par l?entremise d?un député d?arrière-ban involontaire). La formule Rand (elle porte le nom du juge Rand de la Cour suprême) stipule que tous les employés (qu?ils veuillent être syndiqués ou non) paient des cotisations syndicales au syndicat qui a négocié leur convention collective. Les néoconservateurs croient que les employés représentés ne devraient pas être forcés de verser des cotisations syndicales, mais devraient tout de même avoir droit à la représentation. Presque tout le monde sait que rien n?est gratuit! Cependant, avec les conservateurs d?aujourd?hui, où s?en est allée la logique? Leur but est de trouver un moyen d?affaiblir ceux qui sont en désaccord avec vous. Ce genre de loi existe déjà dans plusieurs États américains et s?appelle la « loi sur le droit au travail ». Ces prétendues lois sur le droit au travail (pour moins) n?ont qu?un seul but, soit celui de rendre la tâche plus difficile à un groupe d?employés de se servir de sa force collective et de négocier de meilleures conditions de travail. Elles y parviennent par la réduction du financement des syndicats tout en forçant ces syndicats à représenter les personnes mêmes qui agissent contre leurs intérêts.

Pourquoi est-ce que tout ceci importe? La grande majorité des Canadiennes et des Canadiens travaillent pour un tiers. La façon de toucher votre salaire, le moment où vous le touchez et parfois combien vous touchez sont des facteurs qui sont déterminés par les diverses législations fédérales et provinciales sur l?emploi. Il vaut la peine de lire ces législations afin de comprendre que vos droits collectifs sont supérieurs aux droits des particuliers. Puisque les politiciens passent les lois, leurs actes peuvent vous toucher directement et personnellement. Or, bien que la section locale 2228 de la FIOE demeure neutre sur le plan politique, il serait bon que vous ne le soyez pas.

Le gérant d?affaires et secrétaire financier,

Daniel J. Boulet
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